Module 3 : Le périmètre — Cours 2
Les phases de travail de l’UX writer (expliquées)
Introduction
Dans cette section, nous allons décrire les différentes phases de travail de l’UX writer, ou ce que l’on peut appeler le process d’UX writing.
- Quelles sont les étapes clés et le périmètre d’intervention de l’UX writer ?
- Comment s’intègre-t-il·elle dans le cycle de conception du produit aux côtés des autres expertises — notamment les équipes produit et design ?
La phase de découverte
La phase de découverte commence généralement après le lancement (ou kick-off) d’un projet en présence de toutes les parties prenantes. Ce projet peut être la création d’une nouvelle fonctionnalité d’une application, la création d’une nouvelle page de site Internet, etc.
De façon collaborative, l’équipe projet dont l’UX writer fait partie, doit tout d’abord délimiter les contours du problème, comprendre les enjeux, définir les indicateurs de performance (ou KPIs), comprendre l’environnement produit et marché, et comprendre les besoins des utilisateurs et utilisatrices.
En quoi consiste cette phase de découverte ?
- Définir le périmètre du projet
La première étape de la phase de découverte est de comprendre le problème auquel vous allez vous attaquer et comprendre ses enjeux business : quel est le problème ? Pourquoi ce problème en particulier ? À quelle priorité répond-il ?
Définissez ensuite des indicateurs de performance (KPIs) qui vous permettront, une fois la fonctionnalité ou la page lancée, d’analyser son succès (ou non).
- Maîtriser l’activité et le produit sur le bout des doigts
Soyons honnêtes : connaître entièrement l’interface sur laquelle vous travaillez ne se fait pas du jour au lendemain. Cela prend du temps et l’expertise s’acquiert au fur et à mesure des projets que vous menez.
Cependant, il est essentiel de connaître les fonctionnalités qui concernent directement ou indirectement votre projet.
- À quoi ressemble actuellement le produit digital ?
- Comment s’y prend-on à l’heure actuelle pour répondre aux besoins ?
- Que manque-t-il pour y répondre ?
- Quels concepts et quels mots sont utilisés ?
- Comment parle t-on de telle fonctionnalité dans la FAQ ou le centre d’aide ?
⇒ Testez vous-même le produit encore et encore.
⇒ Lisez la documentation produit disponible et prenez connaissance des projets antérieurs autour du même sujet.
⇒ Échangez avec les personnes ayant participé à la conception de l’expérience précédente, de la suivante ou encore de l’actuelle si votre projet vise à l’améliorer.
⇒ Déterminez les contraintes potentielles (techniques, légales, business ou spécifiques). Certaines choses ne seront pas réalisables (car trop complexes ou non autorisées), quand d’autres nécessiteront d’être expliquées aux utilisateurs et aux utilisatrices. Échangez avec les différentes expertises pour connaître ces contraintes.
⇒ Attardez-vous également sur les spécificités de votre secteur d’activité : quels mots sont utilisés pour parler de ce sujet ?
Exemple dépôt de capital sur Qonto
En 2022, Qonto s’est associée à certaines entreprises de LegalTech pour permettre une création d’entreprise plus rapide et plus efficace. D’un côté, la LegalTech permet de créer les statuts et ainsi d’immatriculer une entreprise. D’un autre côté, Qonto permet le dépôt de capital, à l’issue duquel l’utilisateur·trice reçoit un certificat de dépôt de capital, nécessaire à la finalisation de l’immatriculation de son entreprise.
Sur Qonto, deux termes étaient alors utilisés pour nommer ce document. Sur les plateformes des partenaires, le terme utilisé n’était pas le même.
Le choix des mots est une étape cruciale. Répéter le même mot pour désigner la même chose permet :
- d’éduquer l’utilisateur·trice,
- de favoriser sa compréhension - d’autant plus quand ledit terme est jargonneux, peut-être peu connu des utilisateur et utilisatrices créant une entreprise pour la première fois
- de favoriser une lecture rapide des informations,
- et ainsi de faciliter le passage à l’action.
Il a donc fallu que les équipes, UX writer en tête, s’alignent sur le bon terme, utilisé au sein de chaque application. Utiliser le terme permet de mettre toutes les chances du côté de l’utilisateur·trice et de l’entreprise.
- Déterminer à qui vous vous adressez
La phase de recherche vous aide à définir la cible utilisatrice du parcours que vous souhaitez concevoir ou améliorer.
Grâce à l’analyse de données issues de l’utilisation de l’interface, le recueil de verbatims auprès du support client et/ou la réalisation d’interviews, vous devez être en mesure de mieux comprendre la ou les cibles et de savoir comment s’adresser à ces personnes.
Voici donc ce que vous devez savoir sur les utilisateurs et utilisatrices :
- Leurs objectifs et besoins, pour concevoir le parcours le plus utile et pertinent
- Leur niveau de connaissances, pour savoir quelles informations il est inutile de donner
- Les freins qu’ils ou elles pourraient rencontrer, pour pouvoir remédier aux obstacles
- Leurs questions, pour y répondre clairement
- Leur état émotionnel, pour trouver les mots les plus appropriés et adapter votre ton
- Les mots qu’ils ou elles utilisent, pour parler le même langage
- Leurs rôles et permissions dans le produit digital
Ayez également une vision claire sur les éléments de contexte suivants :
- Avant d’utiliser le produit digital ou la fonctionnalité : d’où les utilisateurs et utilisatrices viennent-ils ou elles ?
- Comment y sont-elles arrivées ? Qu’ont-elles fait avant ?
- Quel est leur point d’arrivée et les prochaines étapes : que vont-elles faire ensuite ?
☝️ Attention à bien garder en tête qu’un même parcours peut-être utilisé par différentes cibles.
- Analyser le marché : la concurrence, mais aussi les produits « bonnes pratiques »
Analyser la concurrence vous aidera à imaginer des premières pistes d’expérience.
- Comment s’y prend la concurrence pour répondre aux besoins des utilisateurs et utilisatrices ?
- À quoi ressemble le parcours ? Quelles sont les différentes étapes ?
- Quels sont les informations données et les points de réassurance ?
- Quels concepts et quels mots sont utilisés ?
Notez qu’il n’est pas toujours nécessaire de réinventer la roue. Certains termes, et même certains parcours ont déjà prouvé qu’ils fonctionnaient bien, et il se peut même que certains produits précurseurs ait tracé la route pour créer chez les utilisateurs et utilisatrices ce qu’on appelle des modèles mentaux. Par exemple, les utilisateurs et utilisatrices peuvent s’attendre à remplir un formulaire de recherche de vols d’avion en commençant par l’aéroport de provenance. En choisissant de commencer le formulaire par l’aéroport de destination, vous risqueriez de créer de la frustration chez vos utilisateurs·trices.
Les modèles mentaux peuvent bien entendu être transformés, si le parcours est ultra intuitif, ou si vous usez d’une bonne dose de pédagogie.
4. Demandez si dans votre entreprise quelqu’un n’est pas client de ce produit — vous pourrez ainsi le tester de son compte, ou tout du moins bénéficier d’une démo en vidéo.
En conclusion, la phase de découverte vise à consolider le savoir que vous devez avoir avant de commencer à travailler sur le projet, et à bien définir le ou les problèmes que l’on souhaite résoudre en concevant une nouvelle expérience ou en améliorant une expérience existante.
La phase d’exploration
C’est le moment d’explorer les différentes solutions possibles pour répondre au(x) problème(s) ou opportunités identifiées pendant la phase de recherche. L’UX writer débute son processus d’idéation, au même titre que le ou la Product designer. Ils ou elles peuvent participer ensemble (ou séparément selon le sujet) à des ateliers avec les autres expertises, pour poser toutes les questions auxquelles il manque encore les réponses.
- Quelles sont toutes les informations dont l’utilisateur ou l’utilisatrice peut avoir besoin ?
- Quelles sont toutes les informations que nous sommes en mesure de fournir ?
- Quel est le périmètre réel du projet ? Qu’est-ce qui n’y entre pas ?
- Peut-on faire des liens avec d’autres parties du produit (créer des synergies avec une autre fonctionnalité par exemple) ?
- Le projet impacte t-il d’autres parties du produit ?
- Y-a-t-il des contraintes liées au design system à prendre en compte ?
Les pistes de solution sont explorées et discutées en équipe, jusqu’à ce qu’une solution viable soit retenue d’un commun accord. L’idée étant que chaque décision prise pour le contenu soit informée et justifiée, mais surtout qu’elle réponde au(x) problème(s) de l’utilisateur ou l’utilisatrice à résoudre.
Il se peut que la solution retenue le soit pour des raisons de simplicité technique ; à vous et votre binôme Product designer de faire au mieux pour que la valeur soit tout de même perçue pour les utilisateurs et utilisatrices.
La phase de conception
Après la phase d’exploration, place à la conception ! C’est le moment de rentrer dans les détails et de concevoir l’expérience dans son intégralité, sur la base de la solution retenue. On pense à tous les cas d’usage, aux possibles cas d’erreur, et surtout on s’assure que l’expérience soit la meilleure possible : fluide et efficace.
En binôme avec le ou la Product designer, l’UX writer doit :
- Définir les user stories et les user flows, c’est-à-dire les scénarios types et les parcours qui amèneront l’utilisateur ou l’utilisatrice à utiliser la fonctionnalité, à accomplir l’action et à résoudre son problème.
- Structurer l’information, via une première ébauche de maquettes (wireframes — sans graphisme), avec une approche content-first. Il s’agit ici de prioriser et d’organiser l’information. Quelle information est délivrée à quel moment ? Le résultat : aboutir à la définition des étapes du parcours, qui deviendront alors des écrans (ou pages). Chaque écran a alors un objectif.
- Concevoir en collaboration avec le ou la Product designer, en définissant les composants qui seront adaptés à l’information — l’UX writer peut notamment faire des suggestions au designer tout au long du processus de conception sur ce qui devrait être modifié, supprimé ou même ajouté pour améliorer l'expérience.
- Assurer la cohérence de l’expérience et de l’information avec l’ensemble du produit.
- Poser l’intention de contenus et commencer à explorer des options de contenus en collaboration avec le ou la Product designer (le prototype sera validé avec une première ébauche de contenus).
- L’UX writer peut proposer des matrices ou autres outils de visualisation pour définir les messages à faire passer et le(s) ton(s) à adopter selon les émotions que les utilisateurs et utilisatrices peuvent ressentir à chaque moment.
- Éventuellement, réaliser des premiers tests pour valider le prototype.
La phase de production
Une fois l’expérience validée et le prototype fonctionnel, l’UX writer va produire les contenus finaux. Il s’agit de :
- Rédiger l’information, les messages avec le bon vocabulaire, dans un langage adapté à l’utilisateur·trice, en cohérence avec le tone of voice du produit et le content design system si existant.
- Concevoir les contenus dans l’outil de design pour une version haute-fidélité de la solution.
- Créer la documentation pour expliquer les choix, rapporter les décisions prises pendant les explorations des solutions de contenus, synthétiser la recherche, annoter les réunions, etc.
- Organiser des challenges avec quelques pairs UX writers, voire avec un ou une Product designer, et prendre en compte les feedbacks qui semblent pertinents.
- Si le produit est disponible à l’international, lancer l’étape de localisation et la superviser.
- Lorsque les contenus écrits sont finalisés dans toutes les langues, une étape de relecture est nécessaire avant le développement ou la mise en ligne pour vérifier qu’il n’y ait pas de fautes d’orthographe ou typographiques, que le message est bien le même dans toutes les langues ou même que le nombre de caractères n’a pas doublé dans une langue.
- Communiquer les spécifications liées aux contenus aux ingénieurs back-end et front-end, pour qu’ils et elles puissent reproduire à l’identique la solution et la mettre en oeuvre.
Product managers, Product designers, développeurs et développeuses front-end et back-end, équipe marketing, support client… ces personnes peuvent vous apporter un retour constructif sur le parcours et sur vos écrits. C’est une mine d’or d’expertises.
N’hésitez pas à leur présenter les contenus que vous avez conçus pour :
- Tester leur compréhension
- Constater les blocages, les relectures nécessaires pour comprendre l’écran ou la page
- Entrapercevoir certaines émotions
- S’aligner en équipe quant à l’expérience proposée
- Remettre en question certains éléments du parcours
S’il y a plusieurs UX writers dans votre entreprise, n’hésitez pas à organiser des challenges, lors desquels une ou deux UX writers et éventuellement un ou une Product designer peuvent vous questionner sur les choix de phrases ou de mots, à tel ou tel moment de l’expérience. Quel est l’objectif de cet écran ? Pourquoi avoir choisi de dire cela ? Ne peut-on pas ajouter plus d’explications ou de contexte pour être plus compréhensible ?
Ce genre de questions vous aidera à prendre du recul et à gagner en expertise.
☝️ La confiance n’exclue pas le contrôle : place au contrôle qualité Une fois la fonctionnalité développée, n’hésitez pas à demander à participer à une phase de vérification (avant le lancement) avec l’équipe projet pour vérifier que le texte (dans toutes les langues) est conforme à ce qui a été conçu dans les maquettes et qu’il n’y a pas de problème technique.
La phase d’analyse
Comme le processus de conception s’appuie sur des données relatives aux enjeux business et aux besoins des utilisateurs et utilisatrices ainsi que sur une réflexion stratégique définies au début du projet, il est donc logique d’en mesurer l’impact.
C’est-à-dire :
- Mesurer le succès de cette nouvelle expérience (ou non 😅)
- Mesurer la qualité de l’expérience
D’une part, dans un souci d’amélioration continue du produit. L’utilisateur·trice comprend-il·elle et utilise-t-il·elle facilement le produit (idéalement sans avoir besoin d’aide du support client) ? L’utilisateur·trice accomplit-il·elle ses objectifs rapidement, sans avoir à réfléchir ? D’autre part, pour en tirer des enseignements pour que l’équipe puisse progresser.
Comment mesurer l’impact d’un design, voire d’un contenu ? Grâce à différentes méthodes :
Les tests d’utilisabilité de l’interface
Ces tests sont réalisés directement auprès d’utilisateurs et utilisatrices ou prospects — que cela soit en phase de conception ou au lancement d’une fonctionnalité. Ils permettent de :
- Comprendre l’interaction entre l’utilisateur·trice et l’interface
- Identifier des problèmes
- Tester la compréhension d’un message ou d’un texte
- Comprendre l’état émotionnel de l’utilisateur ou de l’utilisatrice suscité par le contexte ou l’utilisation de la fonctionnalité en question
- Savoir si le ton utilisé est bien adapté à la situation
Plusieurs tests peuvent être appliqués selon votre temps, votre budget et vos objectifs. Par exemple :
- En mode guerilla, c’est-à-dire auprès d’un échantillon d’utilisateurs et utilisatrices choisis à la volée, par exemple dans un lieu public
- En shadow : vous observez des personnes utiliser votre produit sans qu’elles ne le sachent (un exemple pour lequel il est assez facile de mettre en place ce genre de test : les machines à café dans les aires d’autoroute ou sur un lieu de travail)
- En one-to-one, où vous imaginez un scénario d’utilisation et posez des questions ouvertes sans orienter les réponses
☝️ L’analyse qualitative peut également être réalisée par l’observation du nombre de demandes au support client et du contenu de ces conversations, que cela soit par chat, e-mail ou téléphone.
L’A/B testing
L’A/B testing permet de tester plusieurs versions d’un écran ou d’une page web, et voir celle qui fonctionne le mieux.
L’analyse quantitative
L’analyse quantitative permet d’observer des tendances d’utilisabilité, le nombre de conversions ou l’engagement, notamment grâce à des outils tels que Hotjar, Metabase, Chattermill, etc.
- La vitesse de lecture : l’utilisateur navigue-t-il de façon fluide dans l’expérience ? Arrive-t-il rapidement à atteindre son but ?
- Le nombre de fixations : l’utilisatrice scanne-t-elle rapidement un écran ? Ou passe-t-elle du temps, plus que de raison, sur une section ?
- La compréhension des informations : l’utilisateur butte-t-il sur des mots ? Doit-il relire une phrase qui est longue ? Réalise-t-il l’action demandée rapidement ?
Vous pouvez aussi poser des questions à l’issue du test : quels mots vous ont posé problème ? Quelles informations n’étaient pas claires ? Pourquoi avez-vous hésité à passer à l’action à telle étape ? Quelles informations vous manquait-il ?
L’UX writer peut tout à fait participer aux tests, au même titre que n’importe quel designer. Et d’autant plus si ces tests ont pour objectif de tester la compréhension d’un parcours.
L’UX writer peut alors concevoir le test, l’animer, l’observer ou prendre des notes.
Nous recommandons de savoir concevoir et animer des tests : vous pouvez avoir besoin d’en organiser spontanément si vous estimez ne pas avoir assez de matière pour réaliser votre travail.
Nous vous encourageons à prendre cette place. Être au contact des personnes qui utilisent l’interface sur laquelle nous travaillons est précieux, puisque nous avons pour tâche de comprendre leurs besoins et leurs freins, et de parler le même langage qu’elles.
Conclusion
Quelles que soient l’organisation et les méthodes de travail de l’entreprise dans (ou avec) laquelle vous travaillez, ces cinq phases de travail constituent la clé de voûte du processus d’UX writing. À vous de voir comment intégrer chaque étape dans les procédés de l’équipe Design ou Produit, avec pédagogie et dans un bon esprit de collaboration.
C’est l’heure du quiz ! 🤓
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