Dans le bureau de… Yohann Elmaleh, UX writer et formateur chez Nexton

Dans le bureau de… Yohann Elmaleh, UX writer et formateur chez Nexton

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Dans le bureau de… Yohann Elmaleh, UX writer et formateur chez Nexton

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« Dans le bureau de… » est notre première série d’articles destinés à vous plonger dans la vraie vie de celles et ceux qui font de l’UX writing et du Content design. UX writers, Content designers, Product marketing managers… mais aussi Product designers et Product managers adeptes de l’approche content-first.
  • Des profils variés qui partagent leur vie (et leur avis) sans filtre
  • Un format portrait en 10 questions + une boîte à outils
  • Du contenu pratique : rituels, ressources, contacts…

« À quoi ressemble le quotidien des UX writers ? »

C’est LA question qu’on reçoit le plus souvent.

Pour vous répondre, nous nous sommes invitées dans un nouveau bureau, celui de Yohann Elmaleh, UX writer & formateur chez Nexton.

Diplômé d’un Master en philosophie et d’un DEUG de psychologie, Yohann a naturellement évolué dans l’écriture. Les mots, il les a dans la peau : copywriter d’abord, puis UX writer et, en parallèle, romancier. Son premier roman Moi j’suis de la race écrite ! paraît en 2020 aux éditions Flammarion.

En 2021, il intègre Nexton Consulting, en tant qu’UX writer (d’ailleurs, il recherche un ou une nouvelle collègue). Yohann intervient en mission chez des clients, en commençant par Orange (Design Ops), puis chez Bouygues Telecom où il construit le Content System.

Il a à cœur d’élever l’UX writing dans le monde du design. C’est pourquoi il est tour à tour formateur chez Nexton, à Digital Campus et à l’EBG.

Dans la vie privée, Yohann est tout aussi occupé : il est le papa de 2 enfants, Calista et Milo - adorables, on n’en doute pas.

On n’évangélise pas assez sur l’UX writing. Ou plutôt sur comment faire comprendre à un designer ou un Product owner que tu peux leur donner les armes dès le début du projet pour les aider à créer un produit au top. Car, face à nous, ces parties prenantes sont souvent prises de 2 sentiments : un sentiment d’infériorité sur la dimension littéraire et un sentiment de supériorité sur la culture design ou produit. Ce sont ces 2 sentiments qu’il faut à tout prix détourner. Comment ? En parlant leur langue, en appliquant les mêmes méthodes. C’est là que la prise de parole est essentielle.

📖 Bonne lecture !

Comment expliques-tu ton job d’UX writer à une personne qui n’y connaît rien (ou presque) ?

Facile : je lui dis que je suis un designer de mots ! Ensuite, je lui précise que je fais tout pour que son expérience sur ses applications et sites préférés soit la plus compréhensible au premier coup d'œil. Qu’il ou elle n’ait pas à se répéter 2 fois les choses pour cliquer sur un bouton.

Si ce que je lui dis l’intéresse, je lui confie que les différentes pages sur lesquelles elle s’embarque constituent un parcours et que moi, UX writer, j’aborde ce parcours comme une histoire.

Car c’est bien ça qu’on veut lui raconter : une histoire. Une histoire où elle serait le héros ou l’héroïne.

Si tout se passe bien, j’ai son attention. C’est le moment de lui avouer que tout cela est un travail d’équipe, que nous sommes nombreux et nombreuses à créer cette histoire : des UX researchers pour mieux la connaître, des designers pour concevoir les maquettes, des Product owners pour nous en dire plus sur ses besoins, etc.

À ce stade, généralement, elle lâche le fil de la discussion. Ce que je peux comprendre. Alors, je n’espère plus qu’une chose : qu’elle ait retenu que j’aide à construire l’histoire de son produit pour lui rendre le plus accessible possible.

Tu voulais faire quoi quand tu étais petit ?

Pompier, cosmonaute, footballeur, rappeur… Et puis, plus rien. Juste traîner avec mes potes, en attendant que les choses se passent.

Et un jour, j’ai lu mon premier roman, La nausée de Jean-Paul Sartre. C’est là qu’est venue ma première rencontre avec les mots. C’est là que je me suis dit : si j’arrive à comprendre si profondément ce que me raconte ce type, peut-être pourrais-je faire comprendre ce que je ressens aux autres.

J’ai alors voulu devenir philosophe, psychologue, écrivain.

Quelques années plus tard, je touchais du doigt ce dernier rêve en sortant mon premier roman, Moi j’suis de la race écrite !

Aujourd’hui, je réalise ces 3 rêves à la fois : la philosophie dans ma vie de tous les jours, la psychologie pour la compréhension des utilisatrices et utilisateurs, l’écriture à mes heures perdues (et oui, j’ai encore des projets de roman).

Comment es-tu devenu UX writer ?

Comme beaucoup d’UX writers, je n’ai pas un parcours classique.

Tout a commencé lors de mes études de philosophie à la Sorbonne. Je me suis pris d’une passion vertigineuse pour les mots car j’ai compris une chose : préciser sa pensée nous donne le pouvoir surnaturel de mieux se connaître soi-même. Du coup, je me suis mis en tête d’écrire un roman pour le crier aux autres, quels que soient les obstacles sur la route et les sacrifices demandés.

Alors, tout en aiguisant mon style littéraire sous tous les formats (poésie, nouvelles, chansons…), j’ai enchaîné les petits boulots (SAV de Fnac.com, serveur dans un restaurant de couscous, préparateur de commandes, etc.).

Puis, j’ai rejoint l’agence YouLoveWords en tant que Copywriter freelance, où j’ai principalement écrit pour Apple Music. C’est là que j’ai fait mes premières armes dans la rédaction de contenus digitaux, et là où j’ai découvert les prémisses de l’UX writing, pendant une demi-douzaine d’années.

En parallèle, j’ai rencontré une éditrice de Flammarion à qui j’ai fait lire les premières pages d’un roman qui racontait la ‘schizophrénie sociale’ d’un jeune écrivain en devenir, pris entre les convenances de ses études à la Sorbonne et les dures manières de son quartier (ça ne vous rappelle pas quelqu’un ?). Et ça a donné mon premier roman, Moi j’suis de la race écrite !, publié en 2020 chez Flammarion.

L’année suivante, je signais mon premier CDI d’UX writer chez Nexton Consulting, qui m’a permis de vite monter en compétences sur l’UX writing et les nouvelles formes de ce beau métier. D’abord dans une équipe Design Ops pour Orange, puis chez Bouygues Telecom, où je mets actuellement en place mon premier Content System. Une aventure !

Le bureau de Yohann Elmaleh, UX writer chez Nexton
Le bureau de Yohann Elmaleh, UX writer chez Nexton 👆

As-tu des petits rituels en tant que Content designer ?

Mon plus grand bonheur est d’amener mes enfants à l’école le matin : Milo à la maternelle, Calista à la crèche. Je prends ensuite mon café en terrasse (même sous la pluie) et j’écoute les conversations autour de moi : ça me nourrit pour la journée !

Au boulot, je pense notamment à 2 rituels.

  • Chez Bouygues Telecom, nous faisons tous les mercredis après-midi une Design Critique de 2 à 3 heures avec la team UX. L’exercice est simple : chacun montre ses projets de la semaine et on se challenge entre nous, autant sur le contenu que sur la stratégie à adopter avec le produit ou les métiers. C’est important, car ça nous donne un regard transverse sur les projets et moi, je peux les challenger sur le contenu et la hiérarchie d’informations, les renvoyer au Content System si le tone of voice ou la formulation d’un composant est mal appliquée. Et surtout, ça me permet d’observer les coulisses de leurs métiers, m’inspirer des pratiques de l’UX, de l’UI, de la Research, du CRO, etc. Bref, c’est une mine d’or et nous sommes toutes et tous solidaires autour de ces trésors hebdomadaires !
  • Chez Nexton, nous avons toutes les 2 semaines un point avec la core team de la communauté design. Il y a plusieurs communautés chez Nexton (design, agile, produit, RSE, etc.), qui organisent des événements thématiques, donnent des formations internes et accompagnent les collaborateurs et collaboratrices sur leur montée en compétences. Avec la communauté design, nous accompagnons également les nouveaux speakers dans leurs interventions et les aidons à perfectionner leur prise de parole. Car c’est un vrai stress d’intervenir devant un parterre de gens plus ou moins experts ! Le tout étant de transformer ce stress en adrénaline... On réfléchit également aux sujets de l’année en cours autour du design. Le dernier en date : comment justifier ses choix de conception ? avec Steevy, Quentin et Harisson. C’était passionnant !

Il y a un sujet qui t’a fait galérer (un peu, beaucoup…) mais dont tu as appris en tant qu’UX writer ?

Honnêtement, tous les sujets m’ont fait galérer : la recherche, la facilitation, l’accessibilité, le Content System… Chaque brique de notre métier est un défi. Il faut non seulement les maîtriser mais en plus les faire vivre ensemble. C’est ce qui rend ce métier si intéressant !

Le plus difficile pour moi a été de passer d’une écriture littéraire et stylistique de romancier à une écriture simple, concise, comprise en un coup d'œil par des ados de 4ème comme par leurs professeurs. J’ai eu un peu de mal à en sortir au début et pour tout dire, certaines de mes copies n’ont pas eu l’effet désiré. C’est d’ailleurs là que j’ai compris l’importance de la recherche utilisateur.

Il fallait que je passe de la relation métaphysique entre écrivain et lecteurs à la relation utile entre UX writer et utilisateurs. De la phrase à la microcopie. Car si la première forme d’écriture est une expression de soi vers les autres, la seconde est toute entière tournée vers les autres : on ne met de soi que ce qu’on retrouve chez les autres. Et ça force l’empathie !

J’ai observé les copies des sites, apps, j’ai testé certaines formulations en tests modérés ou non, tapé sur pomme-Z, gobé des tones of voice, etc. Et quand j’ai eu assez de matière, j’ai mis en place ce que j’appelle une librairie d’exemples : des formulations récurrentes qui ont prouvé leur efficacité. J’en ai même intégré une dans le Content System de Bouygues Telecom, pour soigner nos designers du syndrome de l’interface blanche.

Il y a quoi dans ta boîte à outils pour travailler ou collaborer en tant que Content designer ?

  • Figma : pour collaborer avec les designers et le produit, mais également pour rendre autonomes les designers sur les copies, notamment via un Content System et un système de variables qui leur permet d’avoir directement dans les composants le wording en contexte ou les règles de formulations.
  • Teams : pour collaborer avec toutes les équipes, concevoir en live et créer des canaux de discussion qui font gagner du temps et de l’efficacité sur l’omnicanalité.
  • ChatGPT/Copilot : mes partenaires de galère quand je sais qu’il me manque quelque chose (vous voyez, ce moment où on se gratte la tête sans rien en sortir…). Lorsque je les sollicite, c’est vraiment sur le mode pairing, pour me challenger, comme on travaillerait avec un collègue.
  • UserTesting : tester, tester, tester… C’est ce qui nous permet de ne pas concevoir à l’aveugle - autant sur la compréhension d’une copie que sur la perception d’un choix de hiérarchie d’informations. On peut également lancer des tests modérés qui permettent, entre autres, de mieux connaître le langage des utilisateurs et utilisatrices.
  • AB Tasty : pour évaluer l’impact de nos propositions les plus folles de wording et de hiérarchie des contenus.
  • Figjam ou Miro : parce qu’on n’a rien trouvé de mieux pour animer des ateliers à distance.
  • Dictionnaire des synonymes, mots de sens voisin et contraires d’Henri Bertaud du Chazaud : un bon vieux dico ! Le travail de ce monsieur est hallucinant : on retrouve dans son dictionnaire une myriade de mots voisins qui nous offrent des perspectives à perte de vue. Je m’en sers également pour écrire mes petites choses littéraires, car c’est un véritable bijou lorsqu’on veut préciser sa pensée.
  • Et bien sûr, le Content System de Bouygues Telecom !

Qui est LA personne sur qui tu peux toujours compter pour t’aider ou te challenger en tant qu’UX writer ?

Tout de suite, je pense à Julien Boyer, notre head of design chez Nexton. C’est un des premiers à m’avoir sorti de ma zone de confort, l’UX et le Writing. Il m’a forcé à m’intéresser à des domaines qu’on pourrait croire plus annexes comme la prise de parole en public ou la facilitation, et à me concentrer sur mes soft skills, notamment la confiance en moi.

En parlant de facilitation, je pense également à Steevy Gosset, mon binôme sur tant de sujets ! C’est avec lui que j’ai monté mon premier atelier sur le wording chez Orange : on a mis à contribution des parties prenantes de tout horizon autour de l’outil Conseiller. L’objectif ? Mieux appréhender le discours de cette relation triangulaire entre les clients, les conseillers et leur interface. Et ça s’est révélé passionnant ! Ensemble, on a aussi approfondi la collaboration entre Product designer et UX writer, et ce, dans toutes les phases de la conception, pour tendre vers un résultat où le design et le contenu ne font qu’un pour les utilisateurs et utilisatrices.

Je pense enfin à Bastien Hugues, le manager de notre Team UX chez Bouygues Telecom, qui m’a fait confiance pour construire brique par brique leur Content System. Un des plus gros défis de ma vie d’UX writer !

Tu trouves qu’il y a un sujet dont on ne parle pas assez en UX writing/Content design ?

Oh oui, un : l’évangélisation de l’UX writing !

Ou comment faire comprendre à un designer ou un Product owner que tu peux leur donner les armes dès le début du projet pour les aider à créer un produit au top !

Car face à nous, ces parties prenantes sont souvent prises de 2 sentiments : un sentiment d’infériorité sur la dimension littéraire et un sentiment de supériorité sur la culture design ou produit. Ce sont ces 2 sentiments qu’il faut à tout prix détourner. Comment ? En parlant leur langue, en appliquant les mêmes méthodes. C’est là que la prise de parole est essentielle.

Alors un conseil : si on vous cale un point pour « améliorer une petite phrase », renseignez-vous sur le sujet, travaillez en amont et prenez la parole en partageant une vision parcours. Et petit à petit, on ne vous appellera plus « l’édito » mais… l’UX writer 😉

Quel est l’argument que tu avances pour aligner tout le monde sur le contenu UX ?

1) Le Content System, c’est pour que la production gagne en précision.

2) Les retours utilisateurs sont utiles pour les dernières itérations (quand par exemple on a croisé un sondage sur la compréhension d’un contenu avec les résultats favorables d’un A/B Test).

3) Un audit des pain points est tout aussi utile pour l’amélioration continue (on suit toujours un projet mis en prod’, car il est forcément perfectible).

Un conseil de pro pour une personne qui voudrait se lancer en UX writing ou Content design ?

Comme pour tout, y croire jusqu’au bout ! On vous dira certainement que vous êtes trop junior pour ce poste ou cette mission (je le sais, il m’est arrivé de le dire à des candidats). Mais il ne faut pas désespérer car si vous êtes convaincu, vous convaincrez les autres à un moment et c’est là que vous pourrez faire vos preuves. Et je vous rassure, on est tous et toutes passés par là…

Niveau pro, ne vous laissez pas enfermer dans les compétences de l’UX writing. Intéressez-vous un maximum à la culture produit en interrogeant des Products ou en écoutant leurs retours d’expérience.

Niveau perso, listez vos soft skills, travaillez sur ceux qui vous manquent et mettez en avant ceux qui vous caractérisent. On fait un travail d’équipe, donc l’esprit d’équipe, l’écoute et l’assertivité me semblent essentiels.

Aussi, je conseillerais de commencer, si possible, dans une organisation design assez mature pour être au contact de plusieurs expertises et travailler avec un maximum d’outils. Et pour cela, le format consulting me paraît le plus intéressant : des missions de 2-3 ans chez des clients grands comptes, ça forge un UX writer ! De préférence, intégrez une ESN spécialisée dans le design, qui propose des formations internes, des événements thématiques, des rencontres avec des designers, PO, PM, développeurs, etc., pour explorer en profondeur les métiers avec lesquels vous êtes amené à collaborer. C’est justement ce que j’ai trouvé chez Nexton : des passionnés qui vous embarquent dans leur monde !

Et enfin, pour votre entretien, 2 conseils étroitement liés : posez des questions et construisez une conversation.

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Merci à Yohann de s’être prêté au jeu du portrait d’UX writer !

Des UX writers que vous aimeriez découvrir ici ? N’hésitez pas à nous suggérer des noms, nous sommes toutes ouïes 🙂

➡️ Dans la même série, retrouvez les portraits de :

Les ressources conseillées par Yohann pour progresser en UX writing

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